Tuesday, July 27, 2010

SECONDS (1966)




Recommencer votre vie à zéro, dans un environnement différent, dans un CORPS différent, ça vous dirait ? Et que seriez-vous prêt à sacrifier pour cette seconde chance ? C’est le genre de question que pose le film culte SECONDS de John Frankenheimer.


Synopsis : Arthur Hamilton (John Randolph) est un banquier de 50 ans qui semble tout avoir pour être heureux : belle situation, demeure cossue, épouse attentionnée, fille bien mariée, etc. Mais les premières images du film nous le montre pourtant triste, déprimé et incapable de faire l’amour avec sa femme tellement leur relation est devenue routinière. C’est pourquoi il ne peut résister à l’offre qui lui est faite par " la Compagnie ", une organisation qui, moyennant une forte somme d’argent, propose à Arthur de simuler sa propre mort (via un incendie rendant son "cadavre" méconnaissable) pour le faire renaître (via la chirurgie plastique) à une toute nouvelle vie et dans un nouveau corps (Rock Hudson). Mais pourra-t-il enfin trouver le bonheur ?


Points forts : Il faut reconnaître le courage de Frankenheimer d’avoir osé porter à l’écran un récit si déprimant et peu commercial, et de l’avoir fait de façon aussi captivante. Le ton est donné dès le générique d’ouverture : partition musicale d’épouvante (à l’orgue d’église) de Jerry Goldsmith, images distortionnées, abondance (surabondance ?) de caméra à l’épaule (et même, des années avant Aronofsky, recours à la snorricam (caméra attachée sur l’acteur) pour provoquer cet effet de flottement si déstabilisant), bref, tout l’aspect visuel et sonore du film illustre à merveille le vide intérieur du personnage principal et sa sensation d’isolement face au monde qui l’entoure. Sensation qui disparaît complètement dès qu’il rencontre le directeur de la Compagnie (un vieillard !) qui lui offre une nouvelle vie. Tout semble rentrer dans l’ordre lorsqu’il réapparaît sous les traits de Rock Hudson et qu’il commence sa nouvelle vie d’artiste peintre célibataire (portant le nom de Tony Wilson) entouré d’amis branchés. Mais la lune de miel ne dure pas longtemps ...

Tranquillement, Arthur/Tony se met à regretter son ancienne vie, ce que de nombreux critiques n’ont pas compris à l’époque de la sortie du film. "Le film ne réussit pas à expliquer pourquoi Arthur/Tony devient si désenchanté de sa nouvelle vie " pouvait-on lire. Mais a-t-on besoin d’une telle explication ? Il me semble que le message est pourtant bien clair : à quoi cela sert-il de changer notre environnement ou notre corps (via la chirurgie plastique, le gym, etc) quand c’est notre âme qui est malade ! Et puis l’explication est subtilement (trop subtilement peut-être ?) donnée dans le film durant cette superbe scène où Arthur/Tony rend visite à son ex-épouse qui le croit mort. Se faisant passer pour un ex-ami de son "défunt mari", il la questionne à son sujet. Elle lui répond que son ex-mari (Arthur) " a passé sa vie à travailler si dur pour obtenir ce qu’on lui avait appris a desirer que, quand il l'a obtenu, il est devenu de plus en plus confus et triste. En fait, il était mort bien avant qu’il ne meure dans cet incendie."

Cette révélation bouleverse Arthur/Tony, qui comprend soudainement ce qui n’allait pas dans sa première vie (et qui ne va toujours pas dans sa seconde vie). Il en discute avec le directeur de la compagnie :

Tony : - Je sais que je n'avais pas le droit d'entrer en contact avec mon ex-femme, mais il fallait que je comprenne ce qui n'avait pas marché ... Toutes ces années que j'ai perdues à obtenir ces choses que les gens prétendaient être si importantes ... Des choses ! pas des êtres humains ... ou un sens à ma vie ... DES CHOSES !
Directeur : - J'espérais que vous puissiez réaliser votre rêve dans votre nouvelle vie ...
Tony : - Je crois que je n'ai jamais eu de rêve ...
Directeur : - C'est sûrement là que se trouve l'explication ...


Ce triste constat mène à une séquence finale inoubliable de cynisme et de cruauté.

Générique de SECONDS (concu par Saul Bass) dont certaines images seront réutilisées des années plus tard par Martin Scorsese pour le générique de CAPE FEAR :




Citation : Le directeur de la compagnie cherchant à convaincre Arthur du bienfait de l’opération :

Directeur - Vous ne manquerez à personne.
Arthur - Il y a ma femme !
Directeur - Vraiment ? Et qu'êtes-vous à ses yeux maintenant ?
Arthur - (soupir) ... Nous nous entendons ... Sans plus ... mais il y a ma fille.
Directeur - Vraiment ?
Arthur - En fait, nous ne la voyons plus vraiment depuis qu'elle est mariée ...
Directeur - Tout ce que vous énumerez, qu'est-ce que ça représente maintenant ? Rien du tout !
Arthur - (soupir) Je n'y avais jamais réfléchi ...


Bande annonce de SECONDS :