Thursday, September 23, 2010

THE SILENT PARTNER (1978)



En 2007, Lions Gate a fait plaisir à de nombreux cinéphiles en offrant ENFIN en DVD une version potable du film canadien THE SILENT PARTNER, thriller culte des années 70s dont le scénario fort habile (gracieuseté de Curtis Hanson, alors à ses débuts, qui adapte ici un roman danois de Anders Bodelsen) n'est pas sans rappeler le CHARLEY VARRICK de Don Siegel (ici).

Synopsis : Miles Cullen (Elliot Gould) est un employé de banque timide et célibataire dont la vie routinière aurait besoin d'une bonne dose d'adrénaline. Cette dose lui tombe du ciel sous la forme de Harry Reikle, (Christopher Plummer, dans un contre emploi étonnant), voleur particulièrement sadique qui braque sa banque et réussit à prendre la fuite avec $ 2 000 dollars. Le hic, c'est que les journaux parlent le lendemain d'un vol de plus de $ 50 000 dollars ! C'est que Miles avait prévu le coup et s'est arrangé pour que la plus grande partie du magot "volé" se retrouve en fait dans un coffre bancaire personnel dont lui seul possède la clef ! Plan ingénieux et apparemment sans failles, si ce n'était de l'entêtement de Reikle qui est prêt à tout pour mettre la main sur l'argent qui lui a été si habilement subtilisé par Miles. Commence alors un dangereux jeu de chat et de souris entre les deux "partenaires", Miles se révélant un adversaire aussi redoutable que Reikle ...

Sur la couverture des livres CULT MOVIES de Danny Peary, ce dernier décrit les films cultes à l'aide de quatre qualificatifs : THE CLASSICS (les classiques), THE SLEEPERS (les films qui sont passés inaperçus), THE WEIRD (les films étranges) et THE WONDERFUL (les films merveilleux). Je crois qu'aucun film ne définit mieux le concept de "sleeper film" que THE SILENT PARTNER, film canadien qui, à sa sortie en 1978, est passé complètement inaperçu (malgré d'excellentes critiques, dont celle de Roger Ebert, ici) mais qui, au fil des années, a tranquillement trouvé son public (voir tous les commentaires élogieux sur le site imbd).

Pas surprenant, remarquez, puisque le film bénéficie d'un scénario bien ficelé qui ne comprend pas d'incohérences flagrantes, ce qui est trop souvent le cas dans ces "thrillers" modernes trop axés sur l'action et la surenchère d'effets spéciaux au détriment de la logique. Dans THE SILENT PARTNER, tout se tient et les personnages agissent probablement de la même façon que le ferait le spectateur moyen. L'effet est accru du fait que le protagoniste principal (Elliot Gould) est un Monsieur-tout-le-monde anonyme avec lequel il est facile de s'identifier et qui se retrouve tout d'un coup impliqué dans des évènements extraordinaires dont il parvient ingénieusement à tirer profit. (Intéressant débat moral et éthique ici, puisqu'on se retrouve à vouloir le voir triompher alors qu'il est en fait lui-même un voleur (comme dans CHARLEY VARRICK) ! Ce genre de personnage à la morale "élastique" reviendra souvent dans les autres films de Curtis Hanson (L.A. CONFIDENTIAL, BAD INFLUENCE, etc..).

Autres éléments intéressants : le film ayant été financé par le programme de crédits d'impôt canadien, on y retrouve des éléments typiquement canadiens qui peuvent faire sourire aujourd'hui (tournage principalement effectué au Centre Eaton de Toronto, drapeau canadien visible dans plusieurs séquences, excellente trame sonore du jazzman canadien Oscar Peterson (!), et présence dans les rôles secondaires d'un très jeune John Candy (rôle presque muet) et de la superbe actrice québécoise Céline Lomez dont le personnage connaît une fin particulièrement atroce (voir extrait ci-dessous).

Le succès du film repose essentiellement sur le duel d'acteur Gould/Plummer, les deux offrant des performances inoubliables, Gould étant moins maniéré qu'à l'habitude et Plummer composant un personnage de psychopathe tout à fait crédible et terrifiant. On appréciera entre autres la scène où Plummer, dont on n'aperçoit que les yeux à travers la fente de la porte de l'appartement de Gould, prévient ce dernier qu'il ne reculera devant rien pour atteindre son objectif.

Tout apprenti scénariste pourrait tirer des leçons de ce film sur la façon de créer des personnages secondaires intéressants : le personnage joué par Susannah York, entre autres, en est un bel exemple. Elle n'apporte rien au développement de l'intrigue (sinon qu'un "love interest" vite oublié dès qu'apparaît le personnage de Céline Lomez) MAIS Hanson en fait quand même un personnage crédible de dépendante affective complètement paumée qui couche avec son patron marié tout en démontrant un intérêt marqué pour le mystérieux Miles. Ce dernier, à mesure qu'il déjoue les pièges de Plummer, devient de moins en moins timide et de plus en plus audacieux, son personnage faisant ainsi montre d'une réelle évolution psychologique tout le long du film. Le film est rempli de moments qui n'avancent nullement l'intrigue mais qui mettent à jour des aspects amusants de certains personnages

Bref, un film remarquable à tous points de vue, plein de revirements inattendus et que l'on peut maintenant redécouvrir en DVD (malgré une pochette plutôt mal foutue qui n'a rien à voir avec le film et sur laquelle on retrouve une grossière erreur ! (Ils ont écrit Suzanne York au lieu de Suzannah York !! Faut le faire quand même ! Voir pochette ici).

Avertissement : bizarrement, le film comporte une scène gore qui détonne complètement avec le reste du film et qui risque de choquer certaines âmes sensibles (voir ci-dessous la scène où Christopher Plummer tue Céline Lomez d'une façon horrible !

Thursday, September 2, 2010

TWO-LANE BLACKTOP/THE VANISHING POINT (1971)



" If I'm not grounded pretty soon, I'm gonna go into orbit ..." Warren Oates dans TWO-LANE BLACKTOP

De nombreux films cultes le deviennent en raison du mystère/légendes urbaines qui circulent à leur sujet (ex : Comment David Lynch a-t-il réalisé les effets spéciaux du bébé-monstre de ERASERHEAD (secret qu’il n’a encore jamais dévoilé) ? etc.).

D’autres le deviennent parce qu’ils sortent en salles à un moment formidablement opportun et que toute une génération de spectateurs s’identifient allègrement aux personnages principaux (on pense tout de suite à EASY RIDER ou à THE GRADUATE, à la fois films cultes ET grands succès commerciaux de la fin des années 60). Dans la même veine et à la même époque, on retrouve aussi ces deux films cultes existentialistes moins connus que sont VANISHING POINT (1971) (v.f. POINT LIMITE ZERO) et TWO-LANE BLACKTOP (1971) (v.f. MACADAM A DEUX VOIES), véritables hommages au culte que vouent les américains à l’automobile.


Synopsis : Dans VANISHING POINT, un vétéran du Vietnam appelé Kowalski (Barry Newman) décide sur un coup de tête qu'il va conduire sa Dodge Challenger 1970 de Denver à San Francisco en un temps record, faisant fi des lois et de la police qui est vite à ses trousses. Sur la route, il rencontre divers représentants de la contre-culture hippie de l'époque qui, d'une manière ou d'une autre, lui viennent en aide, le tout au son d'une excellente trame sonore des années 70s. TWO-LANE BLACKTOP est un film à l'image de ses deux protagonistes : peu bavard et dénué d'émotion. En fait, on pousse la symbolique existentialiste jusqu'à ne pas donner de noms aux personnages principaux ! Ainsi, le Conducteur (le chanteur James Taylor) et le Mécanicien (Dennis Wilson, ex-batteur des Beach Boys) ne vivent que pour rafistoler leur Chevrolet 55 et participer à des courses de hot-rods. Sur la route, ils rencontrent l'excentrique et verbomoteur Warren Oates au volant de sa GTO. Ce dernier leur propose une course à laquelle ils participent sans grand enthousiaste, jusqu'à ce qu'ils y perdent tout intérêt et qu'ils retournent à leur seule et véritable passion : les courses de hot-rods.

Points forts : VANISHING POINT possède quelque chose qui fait terriblement défaut à TWO-LANE BLACKTOP, soit une trame sonore entraînante faite de grands succès de l'époque (on les retrouve presque tous sur YOUTUBE). Et puis il est beaucoup plus facile de s'identifier au sympathique rebelle qu’est le Kowalski de VANISHING POINT qu'aux deux anonymes protagonistes de TWO-LANE BLACKTOP qui vivent dans leur bulle et se foutent complètement des gens qu'ils rencontrent sur la route (dont une jeune hippie (la Fille) qui entre et sort de leur voiture au gré de ses humeurs et à laquelle ils ne prêtent aucune attention). Je comprends que le réalisateur Monty Hellman cherchait à illustrer le vide existentiel de ces deux fous de la vitesse, mais si ce n'était de la vibrante performance de Warren Oates en conducteur complètement déjanté, ce film serait d'un ennui Antonioniesque . Dommage que le réalisateur ait choisi au montage de retirer les scènes qui nous en apprenaient plus sur les motivations des personnages (comme il l'avoue dans le commentaire qui accompagne le film). La version CRITERION du film offre un livret comportant l'excellent scénario original complet qui nous donne une meilleure idée de ce que ce film aurait pu être ...
VANISHING POINT bénéficie entre autres du travail du talentueux directeur photo John A. Alonzo, dont les superbes images donnent carrément le goût d'aller se perdre en voiture sur les routes désertiques du Névada. Et, malgré ses défauts, TWO-LANE BLACKTOP comporte une des finales les plus hallucinantes (pour ne pas dire complètement pétée et psychédélique) qui soit, donnant tout son sens à ce qu'on appelait à l'époque un HEAD Movie, soit un film à voir sous l'effet de substances illicites ... (voir extrait ci-dessous). Et puis il y a la performance exceptionnelle de Warren Oates, qui porte le film sur ses épaules ... « Those satisfactions are permanent ! »


Citation : TWOLANE BLACKTOP : Warren Oates, exprimant sa quête existentielle comme lui seul peut le faire :
« If I'm not grounded pretty soon, I'm gonna go into orbit ! »
(Si je ne me pose pas quelque part bientôt, je vais partir en orbite !)


Une des nombreuses pieces musicales de VANISHING POINT disponible sur YOUTUBE :



Warren Oates (TWO-LANE BLACKTOP) : " Just colour me gone, Baby !" (3:44)



Finale psychedelique de TWO-LANE BLACKTOP (vers 3:12): "Those satisfactions are permanent ..."