Friday, October 22, 2010

L'EAU CHAUDE, L'EAU FRETTE (1976)


André Forcier pris sur le vif lors du tournage du film LE VENT DU WYOMING (1994 - avec ici le directeur photo Georges Dufaux).


Surprise cette semaine : mon “sitemeter” (indicateur du nombre et de la provenance des visiteurs sur ce blogue), que je n’avais pas consulté depuis longtemps, m’apprend que ce blogue est maintenant majoritairement visité par des cinéphiles de la France (4 fois plus nombreux que les lecteurs du Québec, d'où il est pourtant rédigé !). Viennent ensuite les lecteurs du Québec, puis ceux de la Belgique (ce qui me rappelle qu’il faudrait bien que je parle un jour de l’excellent film culte belge C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ-VOUS !). Autre fait surprenant : les articles les plus visités sont ceux consacrés au film culte québécois LA POMME, LA QUEUE ET LES PEPINS (sans doute parce que c’est un film pratiquement impossible à trouver, même au Québec), au film KISS ME DEADLY (hmmm ? Amateurs de Nouvelle Vague ?) et, en première position, l'article sur la série L’ODYSSÉE (Alors la vraiment je suis bouche bée ! Pourquoi tant d’intérêt pour cette série obscure ?). Intéressant tout ca ! Ca permet de réajuster le tir …

J'en profite donc pour parler cette semaine d'un réalisateur québécois culte, André Forcier, dont les films ont presque tous atteint le statut de films cultes au Québec mais ont peu circulé en France (moins, en tout cas, que ceux d'un Denys Arcand ou d'un Xavier Dolan). Lors de son récent passage à l'émission TOUT LE MONDE EN PARLE, le journaliste Louis-Bernard Robitaille, auteur du livre La conquête de Paris : la saga des artistes québécois en France, a comparé André Forcier à un Fellini ou un Kusturica, déclarant que les films de Forcier ne marchaient pas en France en raison de la langue qui y était parlée (joual québécois), précisant que les versions traduites ou sous-titrées de ses films avaient très bien marché dans des pays comme l'Allemagne ou l'Argentine.

Je me ferai plaisir en choisissant le film de Forcier que j'aime le plus, c'est-à-dire L'EAU CHAUDE, L'EAU FRETTE sorti en 1976.

Synopsis : C'est l'anniversaire de Polo (Jean Lapointe), propriétaire véreux d'un édifice à logements coin Rachel et St-Denis à Montréal. Polo fait de l'argent en louant des chambres à une panoplie de paumés de la pire espèce (la vieille Mlle Vanasse (Anne-Marie Ducharme) qui cherche à séduire le vieux M. Croteau (Albert Payette) en charge d'organiser la fête de Polo, la belle Carmen (Sophie Clément) qui habite avec sa jeune fille Francine (Louise Gagnon) malade du coeur et très délurée..., etc.). Polo fait aussi du prêt usurier auprès de désespérés dont il profite sans scrupules. S'ajoutent à cette faune bigarrée Ti-Guy (Rejean Audet), jeune délinquant et copain de Francine et surtout Julien le livreur (excellent Jean-Pierre Bergeron), amoureux transi de Carmen mais trop timide pour le lui déclarer. Incapable de voir Carmen s'attacher de plus en plus à Polo, Julien prépare une vengeance qu'il compte assouvir le soir de l'anniversaire de ce dernier ...


Si je préfère L'EAU CHAUDE L'EAU FRETTE aux autres films de Forcier, c'est probablement parce qu'il est plus ancré dans la réalité que tous ses autres films auxquels on a souvent reproché leur côté trop "surréaliste" (AU CLAIR DE LA LUNE), ou trop peuplé de personnages tellement déjantés et excentriques qu'ils rendent difficile toute identification de la part du spectateur (ex : LA COMTESSE DE BATON ROUGE, LE VENT DU WYOMING). L'EAU CHAUDE L'EAU FRETTE, au contraire, nous plonge de façon souvent très crue dans la triste réalité de personnages misérables et criant de vérité qui tentent tant bien que mal de trouver le bonheur malgré les épreuves que la vie leur a balancé (le handicap de Francine) et les limites imposées par leur condition sociale (Carmen, sans le sou, est réduite par Polo à payer son loyer "en nature »).

Bizarrement, le film de Forcier me rappelle un peu le film AFFREUX SALES ET MÉCHANTS d'Ettore Scola (sorti la même année) puisqu'on trace dans les deux cas le portrait d'une famille (réelle dans le film de Scola, composée de locataires dans celui de Forcier) où tout gravite autour du personnage qui détient le pouvoir suprême, c'est-à-dire l'argent (argent caché et que l'on essaie maladivement de trouver dans le film de Scola ou argent que l'on doit emprunter ou remettre à Polo dans le film de Forcier). Or là où Scola traçait un portrait dégradant de personnages sans scrupules et prêts à tout pour mettre la main sur de l'argent (même à tuer leur père !), Forcier, lui, met en scène des personnages qui, bien que misérables, n'en perdent pas pour autant leur humanité et parviennent à s'accrocher à des moments de bonheur passager qui suffiront, un temps, à les réconforter : Julien le livreur qui réussit enfin à convaincre Carmen à faire un tour avec lui sur son sidecar, M. Croteau qui, durant la fête, s'entête à réciter des poèmes devant un public hostile (- Mes amis, mes amis ! - On n'est pas tes amis ! ), la vieille dame (Mlle Vanasse) qui tente désespérément de séduire M. Croteau (- Croyez-vous que je devrais me donner à lui ?) et Francoise, la propriétaire du Snack Bar, qui bouffe constamment les chocolats qu'elle vend et qui, après la fête, remplit sa sacoche avec les restes de bouffe et part avec la tête de cochon sous le bras !! (voir extrait ci-dessous). Chacun trouve son bonheur là ou il le peut …



Forcier injecte une bonne dose d’humour au film (il faut voir Julien utiliser le pacemaker de Francine pour "booster" le moteur de son sidecar !) et fait une courte apparition caméo en client du snack bar accompagné de Carole Laure. On appréciera aussi la scène suivante durant laquelle Francine s'enferme dans une chambre et ou chacun des personnages essaie à sa facon de la convaincre de sortir :



Côté mise en scène, on peut apercevoir durant la scène de la fête de Polo la future chroniqueuse artistique Francine Grimaldi (!) qui reprend un peu le rôle de fille facile qu'elle interprétait dans LA POMME, LA QUEUE ET LES PEPINS ....

BONUS : Images prises sur le vif du tournage du film LE VENT DU WYOMING par l'auteur de ce blogue qui est tombé par hasard sur Forcier et son équipe à l'oeuvre près de la rue Peel à Montréal (Hiver 1994). Forcier (au centre, avec tuque et écouteurs) tentait avec humour de contrôler le chaos inhérent à un tournage extérieur et sa bonne humeur était contagieuse.



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